Troquer le sentier touristique pour une paisible oasis
Comme un bon film qui commence par une scène d’action, nous sommes frappés par des vues à couper le souffle presque dès que nous commençons notre randonnée sur les pentes boisées du nord du Penteli (ou Mont Pentelicus, comme on l'appelle aussi).
Le large sentier pierreux épouse le bord de la montagne, et ouvre sur un paysage à des milieux d’années de l'agitation d'Athènes. En-dessous de nous, la vallée s'étend vers la mer dans une étendue de pins émeraude, parsemée des villas aux toits de terre cuite de Penteli. On peut voir jusqu'aux plages de sable de Schinias sur Marathon Bay et sur l'île d'Eubée.
« On ne se croirait pas à Athènes », dit mon amie Jamila, une passionnée de randonnée, « On a plutôt l'impression d'être dans le nord de l'Europe. »
Le mont Penteli est l'une des quatre chaînes de montagnes qui entourent Athènes, et avec ses 1 006 mètres, le deuxième plus haut sommet après le Mont Parnitha. En ce matin de printemps ensoleillé, nous avons conduit environ 40 minutes depuis le centre-ville pour retrouver Stéphanie et Archelaos de Nefeli Nine, une agence qui organise des retraites et désormais des randonnées de montagne guidées autour d'Athènes, sur des sentiers historiques.
Le marbre de Penteli a longtemps été prisé pour sa pureté. Ses carrières de marbre ont été exploitées à partir du VIe siècle avant JC et jusque dans les années 1940. Il a livré la plus grande partie des matériaux utilisés pour construire l'Acropole et la cité antique d'Athènes.
Aujourd'hui, nous nous dirigeons vers le musée du marbre en plein air de Dionysos, une reconstruction complète du site, avec des cabanes de mineurs en ruine, des remises à outils et des éboulis spectaculaires, pour ramener à la vie le puissant héritage de marbre de cette montagne.
Mais comme on dit, le voyage est tout aussi important que la destination.
Pendant les quatre heures environ que nous passons ici, nous découvrons des paysages totalement différents, des panoramas magnifiques à perte de vue ouverts aux austères carrières en passant par des prairies boisées, tapissées de fleurs sauvages (et de papillons rares). Nous tombons aussi sur un délicieux trio de minuscules chapelles tout droit tirées d’un conte de fée et décorées d'icônes sacrées, et et des sources d'eau fraîche auxquelles nous remplissons nos bouteilles d'eau douce de montagne.
Ce qui compte, c’est aussi ce que nous ne voyons pas. Comme chez les autres. À part quelques marques rouges fanées sur les rochers, Penteli n'est pas un itinéraire balisé. Cela aide à garder la foule à distance.
«L'année dernière, pendant le confinement, cet endroit a été un don du ciel pour moi», explique Steph. "Je viens souvent ici, le samedi matin, et je ne croise pas âme qui vive."
Marbre d'escalade
Après environ 45 minutes, nous débouchons dans une clairière naturelle adossée à un imposant mur de marbre multicolore. C'est la section d'escalade de Penteli. Connu sous le nom de Dionysos, c'est l'un des plus populaires de l'Attique ( la région d'Athènes) et l'un des rares endroits en Grèce où vous pouvez vous mesurer à des falaises de marbre d'environ 15 à 20 m de haut. Avec des noms comme "Psycho Killer" gravés sur la roche brûlée par le soleil qui baptisent des lignes individuelles, Dionysos n'est clairement pas pour les âmes sensibles. Ou les prises mal assurées.
« C'est une piste d’escalade difficile, avoue Archelaos, le grimpeur expérimenté, l'œil pétillant. « C'est à cause de la façon dont le marbre se brise, ce n'est pas comme le granit. C'est joli mais glissant. Mais grimper sur le marbre est aussi très spécial, dit-il.
« Vous ne trouverez ça nul part ailleurs. Chaque Proti Maiou (le 1er mai en Grèce), nous tous, grimpeurs locaux, tenons un grand repas et une fête ici, à cet endroit, avec beaucoup de musique et de vin.
J'essaie (et échoue) de visualiser l'effort herculéen consistant à déplacer toutes ces briques de marbre gigantesques d'ici au chantier du Parthénon, à environ 25 kilomètres.
Marbre et Merveilles
Nous nous trouvons à l'embouchure d'une piste escarpée en forme de rampe et parsemée d'éclats de marbre. Le chemin plonge comme une piste de ski noire vers les contreforts luxuriants en contrebas.
« C'est la plate-forme qu'ils utilisaient pour envoyer des blocs de marbre de la taille d'une voiture en bas de la montagne. Ils les attachaient avec des câbles, puis les lâchaient lentement à l’aide de cordes», nous éclaire Archelaos.
Ensuite, nous nous arrêtons près de la reconstruction en pierre de ce qui ressemble à une « cantine du personnel » à ciel ouvert construite dans la carrière en pente, à côté de l'ancienne zone de construction d'outils. Archelaos nous indique un grand bloc de marbre marqué de rainures profondes.
"C'est là qu'ils placeraient la dynamite pour faire exploser la roche dans les temps modernes. Dans la Grèce antique, ils faisaient tremper des silex dans l'eau et les plantaient dans les trous. Ils cassaient le marbre en s’y dilatant.
De nombreux ouvriers de la carrière de Penteli étaient originaires de l'île de Paros. Les Pariens étaient apparemment de bons travailleurs et avaient un talent pour le marbre (la légendaire Vénus de Milo a été sculptée dans le marbre de Paros).
Le musée du marbre de Dionysos n'est pas vraiment un musée au sens strict. Il n'y a pas de cartes ou d'expositions organisées. Il s'agit plutôt d'un décor de théâtre, construit au sommet d'une ancienne carrière, pour représenter la vie dans la carrière au quotidien.
Nous continuons à grimper en pente régulière. Des débris de marbre tintent musicalement sous nos pieds, comme des galets sur un rivage.
Le paradis de la cueillette
Il s'avère que notre Archelaos est également un as de la botanique (et tient un blog sur l’histoire des plantes grecques). Il serait la bonne personne à avoir avec soi, perdu dans la montagne.
Pendant que nous marchons, il s'arrête fréquemment pour identifier des spécimens fascinants de la flore de Penteli : les pins omniprésents responsables du célèbre vin de retsina, les fleurs printanières (anémones violettes et iris sauvages). Et ma préférée, les impertinentes orchidées (orchid italica) dont les minuscules feuilles roses se déploient en forme de drôles de petits hommes.
Nous apprenons également des choses utiles sur les plantes médicinales.
"Voici de la valériane", dit Archelaos, accroupi sur un bouquet de feuilles vertes qui n'ont pas encore fleuri. « Les racines sont excellentes pour faciliter le sommeil. Vous les préparer en thé. Ça sent bizarre mais les chats adorent ça. C'est comme de l'herbe à chat pour eux.
"Et cette plante ici", maintenant, dit-il alors qu’il tient une petite feuille verte avec cinq veines bien visibles, "est utile pour soigner les éruptions cutanées. Ou les piqûres d’abeille.
Les meilleures découvertes sont toutefois les plantes comestibles. Comme les feuilles d'horta, vertes et denses, riches en antioxydants et aliment de base de chaque taverne grecque (« il suffit de les faire bouillir pendant 5 minutes et de les servir avec de l'huile d'olive, du citron et du sel de mer), et la sauge sauvage qui abonde et parfume l'air autour de nous. La sauge sauvage a évidemment un goût plus prononcé et produit plus d'huile que la sauge achetée en supermarché.
Le grand prix, nous sommes tous d'accord, est l'asperge sauvage qu' Archelaos cueille d'un frêle buisson épineux pour que nous puissions en ramener dans nos sacs à dos. Sans ses connaissances d'expert, je serais passée juste devant cette plante, humble en apparence, mais en apparence seulement.
Pique-nique sur un rocher suspendu
Nous arrivons au point culminant du musée, un nid d'aigle spectaculaire à environ 200 mètres au-dessus du sol, avec une vue des plus poétiques sur la montagne et la mer (et des aperçus alléchants du lac Marathon). Il est à peine midi, mais tout ce discours sur la nature comestible nous a donné un petit creux.
Steph a préparé un délicieux encas du matin, à base de dattes trempées dans du chocolat et de friandises à la pistaches, ainsi que des barres énergétiques à l'abricot, aux noix de pécan, à l'avoine et au beurre de noix, le tout préparé par elle. (Habituellement, ses randonnées à Athènes coïncident avec le déjeuner, vous êtes donc plus susceptible de déguster l'un de ses repas- pique-niques avec des plats végétaliens comme une salade de céréales et de haricots avec de la feta, des herbes fraîches, de la tomate et de l'avocat ou du houmous.)
"Tous nos repas sont basés sur le Régime Bleu et inspirés de la cuisine grecque et libanaise", explique Steph. "Donc beaucoup de thym et d'origan et de sésame grillé."
Après avoir mangé, elle nous montre un point de repère attrayant, juste en dessous de notre aire de pique-nique. Un nid de briques de marbre argenté forme un renfoncement circulaire dans le sol et la vue est tout aussi impressionnante.
« Est-ce que cela ne serait pas l'endroit parfait pour un jacuzzi ? » fait remarquer Steph avec nostalgie.
Quel est le verdict?
Une expérience au prix juste qui dépayse totalement d’Athènes. Je fais souvent de la randonnée en Grèce, mais c'était un vrai luxe d'avoir un guide expérimenté faisant tout le gros du travail. Nous avons pu nous détendre et nous imprégner de l'histoire (et de ces vues imprenables) sans craindre de nous perdre ! Et les friandises maison de Steph ? Le paradis!
- Durée: 4-5 heures
- Coût: 45€ par personne (repas inclus)
- Temps: En fonction de la saison